Depuis ce matin, j
ai la bouche pâteuse, et un nœud à l’ estomac. Je sais bien que
ce n’ est pas le moment de faire l’ enfant, que ma vie ne va pas
s’arrêter là, tout net, juste parce que j’ aurai franchi le
seuil de cette porte. Mais c ‘est plus fort que moi.
A l’intérieur je
vois le hall d’entrée, les murs sont beiges, tirant frottement sur
le marron. Il y a une jardinière d intérieur, crépie et mal
entretenue, de laquelle dépassent de grandes feuilles vertes
poussiéreuses. J’ aperçois une étiquette défraîchie à l’
une des tiges…. Plantes artificielles, vieillottes, dans un hall d’
entrée vieillot…Je me vois dans la mosaïque de miroirs qui font
face aux portes d’ entrées… Je n’ai pas l’ air très
enthousiaste, il faut l’ avouer.
Mes cheveux sont
tellement tirés et mes yeux cernés que l’on croirai que je suis
une adolescente qui rentre de boite. Je prend une taffe de ma
cigarette, tout en me dirigeant vers le mur de façade qui se trouve
à ma gauche : «- Ce n’ est pas le job de mes rêves
certes, mais au moins c’est un job ! » Ma voix est
sortie, fluette mais déterminée. Comme si le fait de le dire à
voix haute allait finir de me décider.
« - C ‘est
sur qu’ on ne rêve pas de ça quand on sort de l’ école, mais
tu vas voir on est sympas quand même ! »
Je me retourne,
surprise, et découvre une quadragénaire qui me regarde avec un
petit sourire.
« - Je ne
voulais pas dire que…
- … Non tu ne
voulais pas le dire, mais tu l’ as dit. C ‘est pas grave, Ça
nous a toutes fait ça la première fois. On sait bien que ce n’
est pas le Pérou ici pour les jeunes, mais au moins, on a une bonne
ambiance et nos résidents sont heureux ! C ‘est pas mal déjà
non ?
-… Heu oui.
Dis-je dans un souffle quasi inaudible. Je regardais mes pieds,
tellement je me sentais idiote, plantée là, avec la cigarette qui
me piquait les yeux.
- Allez va, je t
accompagne ! Fini ta cigarette et je te montre où sont les
vestiaires ! »
Alors que je tire
une dernière bouffée de nicotine, elle me tend la main, et me
sourit. Je vois du rouge à lèvre rose fuchsia sur l’ une de ses
dents de devant alors qu’ elle se présente à moi. Roselyne. C
‘est fou mais je trouve que ce prénom lui va a ravir. Elle a
l’ air sympathique. Je prend sa main, avec l’ assurance que mes
24 ans peuvent me donner… « - Moi c ‘est Joséphine, mais
bon, Jo c ‘est bien aussi ! » .
« - Parfait
Jo, allons y, je dois te montrer les vestiaires, et si on traîne
trop je vais me mettre en retard pour les petits déjeuners. »
Allez Jo, vas y,
laisse toi porter . J’ écrase avec mon mégot la petite voix
qui me torture depuis trois jours, et je passe derrière Roselyne,
toute émoustillée de pouvoir m’ introduire.
Les grandes portes
vitrées s’ouvrent et je franchis le seuil. La premiere chose qui
me frappe c’est cette odeur. Aussi vieille que les plantes
artificielles qui pointent leur tiges vers le bas en nous offrant
leur poussière. Il y a une odeur … de vieux. Je ne pourrai la
définir, elle est un peu acide, un peu passée. Et au milieu de
cette acidité qui me soulève le cœur, je sens la chaleur de la
poussière qui emplit mes poumons. Je ne sais pas depuis combien de
temps je reste là, a regarder ce qui m’ entoure. Mais Roselyne m’
arrache vite de ma contemplation : « - tu viens ? »
. Je sursaute presque, et je la vois dans un ascenseur tout aussi
marron que le reste du hall d’ entrée. De la moquette très foncée
orne la cabine et un grand miroir me rappelle à quel point j’ ai
l’ air défraîchie ce matin.
« - les
vestiaires sont au premier étage, ok ? Au rez de chaussée, tu
y trouveras seulement la salle de gymnastique, et un dépôt pour les
fauteuils… pas grand intérêt.
- OK. »
Les portes se
referment, et nous nous élevons dans un bruit mécanique, jusqu’
au premier étage de la résidence. Je ne sais pas quoi faire des mes
mains, un coup dans le dos, un coup devant moi ou alors en train de
s’acharner nonchalamment sur les franges de mon sac à main.
Roselyne sens le mal être et essaie de me soulager : « -
j’ ai moi même étiqueté ton vestiaire hier, et comme la lingerie
avait déjà préparé tes tenues je les y ai mise dedans. Je vois
que tu as pensé a amener tes sabots, super ! ». Ses yeux
se posent sur le sac en plastique que je tiens fermement, et je sors
soudain de ma torpeur, je lui ouvre le sac : « - oui, j
ai aussi amené d’ autres choses qui me restaient de…. »
La porte de l’
ascenseur s ouvre tout à coup avec un gros claquement, sur un
couloir aussi vétuste que le hall d entrée. Il est peint de deux
couleurs, comme le sont souvent ces anciens hôpitaux. Devant moi s
‘étalent des mètres carrés de vert et de beige. Roselyne s
‘élance devant moi : « allez viens, je te montre ton
vestiaire ! ».
Après une dizaine
de mètres dans le couloir, je vois Roselyne prendre une poignée de
porte et se plaquer littéralement dessus, en mettant un coup de
hanche : « pffff elles sont lourdes ses portes pare feu,
ne t inquiètes pas, tu prendras vite le truc ». Elle disparaît
dans la piece, et je la suis, curieuse.
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